Il semble que loin de lutter contre la pauvreté, en constante augmentation, les pouvoirs publics et les institutions accumulent en réalité les sanctions de tous ordres - civiles, pénales, administratives - contre les plus fragiles, leur attribuant la responsabilité de leur situation. Délibérée explore dans ce nouveau numéro comment la justice et le droit, qu’on souhaiterait voir en outil régulateur et réparateur des injustices, jouent en réalité institutionnellement un rôle clé de sanction et d’exclusion : expulsions locatives facilitées, contrôle accru des assuré·es sociaux·ales qui renforce la suspicion à leur égard, obstacles multiples pour bénéficier de l’aide juridictionnelle, etc. Observer les logiques de fond qui travaillent la question du rapport entre les institutions et l’(in)justice sociale, s’arrêter sur la notion même de pauvreté, son appréhension punitive et excluante par les services publics mais aussi interroger la manière dont les personnes qui la vivent appréhendent le droit, tout en questionnant l’efficacité des procédures et processus d’aides financières censés compenser les inégalités, voilà quelques unes des réflexions menées pour mettre au jour ce mouvement inhérent aux politiques néolibérales.
Délibérée a choisi d'aborder le sujet sensible du « ministère public » afin de nourrir la réflexion sur les enjeux de cette institution malmenée. Au cœur de la Cité, les procureur·es jouent pourtant un rôle essentiel dans les équilibres démocratiques. Les termes du débat sont multiples : quel est le poids de l’Histoire dans cette fonction ? Qu'est-ce que la « culture parquetière » et peut-elle s'articuler avec l'indépendance nécessaire à sa mission de poursuites? Quelle est la marge de manœuvre des procureur·es dans leur pratique ? Quelle place pour l'éthique des membres du parquet dans un contexte de recherche d'efficacité à tout prix, de traitement des procédures « en temps réel », de disparition des moments de délibération ? Enfin en matière civile, quel est cet « ordre public » qui fonde l'intervention du parquet sur les décisions concernant l'état des personnes et la famille ? Un espace de parole et d’analyse a ainsi été donné à des procureur·es sur une situation unanimement décriée. Dans les autres rubriques, vous trouverez notamment les libres propos d'un médecin légiste sur son office et notre entretien avec Rose-Marie Lagrave, sociologue spécialisée dans les questions de genre.
Le thème ici abordé est celui des conflits du vivant, notion pour le moins difficile à définir en droit. Dans un contexte de déréglement climatique nous avons essayé de cerner la manière dont les dispositifs juridiques tranchent en faveur d'une catégorie de vivant plutôt qu'une autre. Ainsi par exemple, est-il pertinent de privilégier l'énergie propre fournie par les moulins à eau qui par ailleurs mettent en péril la vie aquatique ? Est-il juste d'abattre des bouquetins au prétexte qu'ils risquent de contaminer des troupeaux de vaches laitières ? Autant de situations, à la dimension éminemment politique, qui illustrent à travers les réponses majoritairement apportées, une forte domination anthropocentrée et appellent un autre regard pour esquisser des solutions. Dans les autres rubriques notamment, Aline Daillère montre ce que produit pour certains jeunes multiverbalisés le développement des amendes forfaitaires et notre invité Félix Tréguer, co-fondateur de la Quadrature du net, revient sur l'histoire et les errements démocratiques d'Internet.
Le dossier de ce numéro est consacré au traitement des crimes internationaux par les juridictions françaises. De l'architecture institutionnelle - à travers un pôle dédié mais absorbé par la matière terroriste - aux limites procédurales - voire aux « verrous »-, en passant par les aléas qui caractérisent l'instruction de ces affaires hors normes à tous points de vue, la place bien singulière donnée aux victimes et la réception des preuves en sources ouvertes par le juge français, Délibérée a entrepris de questionner la capacité française – et donc sa volonté politique ? – à juger les personnes et les organisations responsables des crimes portés à l'humanité, là où la règle internationale lui donnerait pourtant toute compétence et légitimité pour le faire. Au sein des autres rubriques, Pierre Lascoumes, notamment, montre que, loin de l'idée d'un « harcèlement judiciaire » à leur égard, les condamnations à l'encontre des élites délinquantes sont moins nombreuses qu'auparavant et les sanctions prononcées moins sévères. Notre Invité·e, l'universitaire Stéphanie Hennette-Vauchez analyse les multiples enjeux pour les États-Unis comme ailleurs de la décision de la Cour Suprême américaine ayant remis en cause le droit à l'avortement.
Le dossier est consacré aux enjeux de la preuve et à ses failles à la fois sur le plan conceptuel et sur celui de sa fabrication. Il s'agit d'analyser le caractère "fictionnel" de la preuve afin d'interroger, en filigrane, la teneur et la place de l'office du juge dans notre système probatoire. Une recherche de rationalité toujours plus rigoureuse pour approcher la vérité paraît avoir guidé la construction de la preuve judiciaire en Occident à travers les siècles et atteindre son paroxysme dans l'univers juridique contemporain baigné par le progrès scientifique et technique. Cependant cet apparent idéal d'objectivité se heurte à l'analyse du lien avec le contexte socio-politique dans lequel – voire au service duquel- le régime de preuve s'élabore. Comment le juge se positionne face aux preuves construites par l'administration ? Quelle place la trace ADN doit-elle prendre dans le procès ? Quels sont les enjeux en terme probatoire de la déjudiciarisation en droit de la famille ? Que faut-il démontrer en assistance éducative ? Est-il possible de conjuguer soins aux victimes de violences de genre et renforcement de la preuve de ces violences ? Délibérée entend ainsi questionner, à travers différents exemples, la capacité de notre système probatoire à produire des décisions authentiquement justes. Vous trouverez au sein des autres rubriques notamment les réflexions de Paul Rocher sur la place de la police dans la société ainsi qu'un aperçu de la justice dans les territoires zapatistes, par Jérôme Baschet.
Notre dossier est consacré à l’égale liberté dans la vieillesse. Délibérée a choisi d'explorer, par-delà l'histoire des très diverses discriminations à raison de l'âge, les possibilités d’avènement, notamment par le droit et les institutions publiques, d’un « vieillir acteur ». Il s’agit donc d’analyser la façon dont certains dispositifs juridiques en vigueur entravent les droits de la vieillesse, de la question du sens de la peine de prison lorsque la majeure partie de la vie de la personne détenue est derrière elle, à l’irrémédiable fragilisation économique des vieux et vieilles homosexuel·les à raison des discriminations. Mais il s’agit aussi de comprendre en quoi la question des conditions de vie d’un vieillir libre sont travaillées par des enjeux juridiques centraux : rôle du juge des tutelles dans la protection de la liberté de choix, développement d’habitats alternatifs autogérés pour faire reculer le moment de la grande dépendance, préservation de la liberté affective et sexuelle en EHPAD, à un stade avancé de l’existence… Il est temps de regarder ce qu’à bas bruit le droit fait à la vieillesse et ce que, sans conteste, il peut pour elle. Dans les autres rubriques vous retrouverez notamment notre entretien avec l’académicienne, philologue et philosophe, Barbara Cassin.
Le dossier est consacré à la responsabilité des magistrat·es. Il s'agit ici d'aborder ce sujet ô combien sensible à travers la diversité des enjeux à l’œuvre : de la question des différentes façons de « faire payer » les juges, aux failles de la politique disciplinaire, à l'impossible mise en cause disciplinaire de la hiérarchie judiciaire en passant par la responsabilité de l'État pour dysfonctionnement de la justice et la très brûlante question de la sanction du juge à raison d’une décision judiciaire, le sujet se déploie sur une étroite ligne de crête. Dans un contexte d'indigence des moyens conférés à la justice, combinée à l'invocation récurrente de la recherche de la responsabilité de ceux et celles qui ont pour tâche de la rendre, Délibérée a souhaité faire le tour de cette épineuse question au cœur de notre État de droit. Au sein des autres rubriques, nous accueillons notamment le psychiatre Mathieu Bellahsen qui revient sur les origines de son engagement pour les droits des patients et nous rappelle comment faire des services publics, des espaces de contre-pouvoir.
À l’heure où tout espoir semble perdu face à l’impasse des pouvoirs gestionnaires et à la perspective de l’effondrement des services publics – notamment de la justice – un seul et même questionnement affleure : comment ranimer la « petite lueur » à même de nous ramener vers des lendemains meilleurs ? Comment poursuivre le geste initié par la « Tribune des 3.000 » et la mobilisation sans précédent des « gens de justice » qui s’en est suivie ? Peut-être nous faut-il prendre la tangente et enjamber l’espace de la raison pour redéployer les forces de l’imaginaire. Alors, rêvons ! Rêvons de justices anti-autoritaires, de justices an-étatiques, de justices féministes, de justices communautaires, de justices environnementalistes. Réaffirmons les vertus performatives des langages de l’utopie, et veillons à puiser dans les « forces imaginantes du droit » chères à Mireille Delmas-Marty, pour demeurer capables de bâtir l’alternative humaniste qui nous libérera de ces temps obscurs.
Après ce dossier consacré aux utopies, la nouvelle formule de la revue se décline en variations et rubriques. Nous y accueillons notamment Christophe Dejours qui décrypte comment l'ère gestionnaire produit de la souffrance éthique chez les agents de justice.
Ce dossier est consacré au poids de l’héritage colonial dans les pratiques judiciaires. Si la question peut sembler clivante, il s’agit ici, loin de tout dogmatisme, de reconnaître que juges et droit n’ont de cesse d’être confrontés à cette question protéiforme : de la manipulation des notions équivoques de « civilisation » et « d’universel » dans certains discours véhiculés par l’autorité judiciaire, aux traces laissées par l’administration coloniale dans la mise en œuvre du droit de la nationalité, en passant par la difficile articulation des pratiques de justice communautaire et des principes de procédure pénale française dans les territoires ultra-marins, la question du domaine du nous ne cesse d’apparaître. Dans le dessein d’ouvrir une réflexion sur certains impensés colonialistes et racistes mobilisés au quotidien au sein des institutions de justice, Délibérée a entendu, ici, emprunter le chemin sinueux de la critique d’un soi institutionnel qui demeure, à bien des égard, otage de son propre passé. Par ailleurs, outre les rubriques habituelles Délibérée et a donné carte blanche à Serge Slama qui a choisi d'interroger les états d'urgence permanent.
Le dossier de ce numéro est consacré aux « Justes Enfances », toujours avec un regard pluridisciplinaire et interrogatif. « Que se passerait-il si la société, au lieu d’essentialiser, diaboliser, angéliser, catégoriser l’enfance dans une logique de préservation de l’ordre social, prenait réellement au sérieux les enfants, leurs besoins, leur protection, leurs aptitudes, leurs conditions matérielles de vie et se donnait les moyens de les mettre en capacité de s’émanciper, y compris des adultes qui les encadrent ? ». Une philosophe, un sociologue des primes socialisations, un pédopsychiatre mais aussi des magistrat·es et une avocate, abordent la place des normes et des institutions dans l'émancipation des enfants ou font part d'expérimentations judiciaires et de travaux de recherche, en France comme à l'étranger. Que font les enfants aux institutions et inversement, quelle prise en charge des adolescent·es dit·es difficiles ou « patates chaudes » des institutions, quelles évolutions de la fonction de juge des enfants, quel accès au droit efficient pour les enfants, comment penser et repenser le statut juridique de la minorité, et enfin, émanciper par le droit ?
Outre ses rubriques habituelles, Délibérée donne ici également carte blanche au dessinateur Claude Ponti.
Délibérée a entendu consacrer son dossier, qui doit largement à une collaboration avec le Cesdip, à la police. Il s'agit ici de tenter de se décentrer de la seule question du maintien de l'ordre, certes importante mais qui occupe déjà beaucoup l'espace médiatique, et d'aborder le sujet sous l'angle du pouvoir. Quel pouvoir sur/de la police ? Quelles mutations passées et à venir de cette police qui paraît en voie d'autonomisation avancée ? Quel rôle de l'État, à ses différents échelons, et d'autres acteurs politiques ou institutionnels ? Comment policer la police ? Et, pour tenter de resituer la place du judiciaire dans cette cartographie du pouvoir, notamment s'agissant de la question des violences policières, nous avons prolongé ce dossier par une audition libre un peu particulière, puisque ce sont cette fois deux magistrates, membres du bureau du syndicat de la magistrature et de la rédaction, qui ont été passées à la question par deux personnalités peu suspectes de complaisance avec les institutions policière et judiciaire... Outre ses rubriques habituelles En ouverture, carte blanche a été donnée à Émilie Biland, Nicolas Rafin et Hélène Steinmetz, membres de l'équipe de recherche pluridisciplinaire JUSTINES qui produit les analyses parmi les plus stimulantes en matière d'inégalités face à la justice du quotidien et de l'intime, pour aborder un sujet criant d'actualité : quelle régulation de la vie privée et familiale, pour quel(s) intérêt(s) et protection(s) ?
Cette fois encore, il s'agit d'un numéro spécial Covid-19, préparé en période de confinement et sortie de confinement, alors même que l'état d'urgence sanitaire n'était pas encore levé (et pas près de l'être). Une fois n'est pas coutume, tandis que nous affichions l'ambition de traiter les questions de Justice et libertés dans le temps long, en dehors de tout agenda médiatico-politique, nous voici rattrapés par l'actualité puisque l'état d'urgence sanitaire s'est prolongé et les confinements multipliés. C'est que nous avons rapidement compris que de débat et de bilan sur le fonctionnement judiciaire en période de crise, il n'y aurait point, alors même que la plupart des acteurs et actrices du monde judiciaire ont ressenti la frustration, si ce n'est l'impuissance et l'abattement face à une institution qui ne s'est pas véritablement dotée des moyens de remplir son rôle de garante des libertés et de protection des plus vulnérables. Il nous a donc semblé devoir nous poser la question : crise sanitaire, péril judiciaire ? Outre les rubriques habituelles, pour l'audition libre, Délibérée, est partie à la rencontre de Jean-Marc Sauvé qui nous a livré son regard sur l'état des libertés et le rôle du Conseil d'Etat en cette période particulière, avec lequel nous avons échangé également sur les violences sexuelles dans l'Eglise et la protection de l'enfance.
Le dossier de la revue est une variation autour de la question suivante : « la propriété, sans le vol ? ». Il s'agit, dans une logique émancipatrice, d'explorer les différentes dimensions, utilités et expériences de la propriété, qu'il s'agisse de celle des moyens de production, de propriété numérique et d'accès aux savoirs, d'accès au logement, ou, plus largement, de notre façon d'habiter la terre. Carte blanche a été donnée à l'écrivaine Marie Cosnay, engagée dans l'accompagnement des mineur·es exilé·es, qui vient ici interroger puissamment notre conception de l'enfance, des droits et et de la vulnérabilité. Pour l'audition libre, Délibérée, est partie à la rencontre de Raymond Depardon et Claudine Nougaret, qui ont tant à nous dire sur leur engagement artistique, le rapport à l'image, sur les institutions en général et la Justice en particulier, après tant d'années à la scruter et décortiquer. Dans les rubriques, un tour du côté de la justice constitutionnelle portugaise en temps de crise économique permettra sans doute de puiser quelques idées pour les temps difficiles qui s'annoncent post covid19 tandis que le storytelling de l'efficacité de la vidéosurveillance pour lutter contre l'insécurité sera largement écorné. Puis la propriété, de nouveau, sera interrogée, sous l'angle cette fois de la guerilla juridique qu'il y a lieu de continuer à mener afin que ce ne soit pas toujours la propriété qui l'emporte... Enfin, vous lirez en varia un texte sur le retour en force inquiétant des fouilles intégrales en détention, ainsi que la suite de notre exploration de la thématique droit et management avec une incursion du côté de l'histoire.
Il s'agit d'un numéro spécial consacré à la thématique Justice & Médias ; spécial en ce qu'il a été élaboré en partenariat avec Acrimed - association qui met en commun savoirs professionnels, théoriques et militants au service d’une critique des médias -, et en ce qu'il déborde le cadre traditionnel du dossier pour s'étendre également à l'ensemble de nos rubriques. Y sont évoqués notamment la question de l'influence médiatique sur la Justice, la justice sous un gouvernement populiste n'ayant eu de cesse d'utiliser les médias contre celle-ci, une mise en perspective historique au travers l'analyse de journaux à grand tirage du début du XXe siècle et la façon dont la Justice se donne elle-même à voir et communique. L'action de la justice susceptible de porter atteinte à la liberté d'expression et d'information est également interrogée. Enfin, parce que les médias sont astreints à des logiques économiques qui précarisent les journalistes, une pigiste engagée sur ce front donne à voir comment l'arme du droit peut être mobilisée ; l'histoire des ex-salariées de Samsonite montre comment lutter par le droit et médiatiser la lutte par le théâtre.
Assiste-t-on à une « Impunité environnementale ? » interroge l'édito. L'actualité consacre désormais une large part à la lutte contre le réchauffement climatique, aux atteintes diverses et variées à la biosphère, et il faut se préparer à voir surgir de plus en plus d'instances devant des juridictions nationales ou internationales en lien avec ces questions ; le constat est pourtant celui d'une action par le droit et la justice bien difficiles. Les articles de ce dossier invitent ainsi à questionner nos représentations juridiques, l'efficience des normes et leur fabrique, et les conditions d'un droit pénal véritablement efficace en matière environnementale. Outre les rubriques habituelles, carte blanche a été cette fois laissée à Elsa Dorlin, Professeure en philosophie sociale et politique, qui a accepté de revenir pour nous sur la séquence répressive et les moyens qui y sont déployés depuis l'hiver 2018.
Le dossier est consacré à la question de l'égalité devant la Justice et des discriminations. Inégalités partout, Justice nulle part ? Si le tour d'horizon n'est en effet pas rassurant quant à la capacité de la Justice à lutter efficacement voire à ne pas elle-même en produire comme le montre le traitement judiciaire des Roms en matière de droit au logement ou à l'accès à la scolarisation, certains articles proposent des pistes de réflexion pour tenter d'y remédier. Mieux identifier et appréhender plus finement les mécanismes de discrimination, développer certaines notions utiles telles la discrimination sur l'apparence physique ou le capital procédural, agir en faveur du développement d'une véritable culture de l'analyse et de l'évaluation de nos propres pratiques aussi bien au sein de nos parquets en matière pénale, que comme juges des enfants face à des familles en situation de transculturalisme. Des pistes qui ne sont évidemment pas exhaustives mais permettent de penser, au-delà d'un constat assez pessimiste, des actions concrètes. Vous retrouverez également les autres rubriques et une carte blanche laissée à Johann Chapoutot, Professeur d'histoire contemporaine, spécialiste du droit nazi qui interroge, au travers de l'exemple de l'Allemagne en 1933, les éléments qui précipitent vers la sortie de l'État de droit.
Pour le dossier, Délibérée a souhaité faire un pas de côté, et traiter des relations entre jeu et droit. Un dossier tout à la fois ludique et instructif, qui permet d'explorer la théorie du droit pour mieux en interroger les pratiques et tenter de comprendre pourquoi, en matière de justice comme en matière de jeux, selon les termes d'un professeur de droit américain, « les mêmes gardent toujours l'avantage » ; l'occasion encore de découvrir un exemple de justice de classe sous l'Ancien Régime, de tâter les frontières entre univers virtuel, droit pénal et droit des contrats, mais aussi de rattraper l'actualité par la bande avec un article faisant le point sur les conséquences néfastes prévisibles de la privatisation de la Française des Jeux, et un autre revenant sur le régime des interdictions administratives de stade. Dans ses autres rubriques, Délibérée a notamment fait comparaître à la barre, pour l'interviewer, Pascale-Robert Diard, chroniqueuse beaucoup lue dans le monde judiciaire.
Après une carte blanche laissée à Geneviève Giudicelli-Delage, professeure émérite spécialiste en droit pénal, dans laquelle elle revient sur le principe fondamental d'égale dignité humaine, le dossier de la revue est cette fois consacré à la notion d'impartialité, qu'il s'agit de circonscrire en interrogeant particulièrement la distinction entre impartialité, subjectivité et neutralité. A quelques semaines du procès du « Mur des cons » à l'occasion duquel le fantasme du juge rouge et la menace que représenterait le syndicalisme dans la magistrature ne manqueront pas d'être agités au nom de l' impartialité, il est impératif de continuer à s'armer intellectuellement sur ces notions.
Le dossier de ce numéro est consacré aux rapports entre la justice et le sexe (au double prisme du genre et de la sexualité), avec des contributions stimulantes et documentées sur les représentations historiquement associées aux femmes criminelles, le problème de la place du juge dans la régulation des interdits sexuels, la correctionnalisation des viols, le traitement judiciaire différentiel des mineurs (selon qu'ils sont des garçons ou des filles), le débat sur la reconnaissance d'un troisième sexe à l'état civil, l'appréhension juridique du viol au féminin ou encore les questions posées par le développement de la sexualité « connectée ». Vous pourrez y lire également notamment une longue interview du procureur de Paris, François Molins, en « audition libre » et qui, pour une fois, n'est pas interrogé sur l'état de la menace terroriste mais sur sa vision de l'institution judiciaire en général et du ministère public en particulier, ainsi que sur son parcours et son action.
Le dossier de ce numéro portera sur un sujet qui reste au cœur de l'actualité : les drogues, enjeu de société mais aussi de justice, avec des approches historique, économique, juridico-sociologique et médico-judiciaire, pour interroger de manière transversale tant le régime légal que la réponse judiciaire. Ce numéro contient également notamment des contributions sur la nouvelle architecture judiciaire, a donné carte blanche au journaliste Edwy Plenel, qui livre un plaidoyer en faveur de l'hospitalité et contient un entretien sans fard avec Jacques Toubon, Défenseur des droits, qui expose sa vision de cette autorité administrative indépendante, s'explique sur les limites de son action et revient sur son parcours politique.
Le dossier porte sur le terrorisme, avec une interview du journaliste David Thomson - récompensé par le prix Albert-Londres pour son livre Les Revenants sur les jihadistes de retour de la zone irako-syrienne- deux éclairages historiques et des textes sur la théorie du « droit pénal de l’ennemi », l’infraction d’association de malfaiteurs terroriste, l’instauration d’un régime spécial de l’aménagement des peines, le traitement des « notes blanches » par les juridictions administratives et la prise en charge des personnes « radicalisées » en milieu carcéral. Délibérée a aussi notamment donné carte blanche à la professeure de droit Diane Roman, qui s’est intéressée aux rapports entre « le juge et la justice sociale » et auditionné librement le magistrat honoraire Louis Joinet, ancien éducateur de rue, cofondateur du SM, conseiller à Matignon puis à l’Elysée, directeur de la CNIL, expert auprès de l’ONU….
La justice est-elle une affaire trop sérieuse pour être confiée à ses seuls professionnels ? En tout cas, les critiques en place publique, quelle que soit leur justesse, sont légion. Ce qui n'empêche pas d'entendre régulièrement que la justice serait incritiquable. Pour son premier dossier, Délibérée a décidé de s'arrêter sur cette apparente contradiction en posant frontalement la question : peut-on, au juste, critiquer la justice ? Non pas pour nier l'évidence des contestations dont elle fait l'objet, encore moins pour se joindre au choeur ridicule de ceux qui passent leur temps à dire partout qu'on ne peut plus rien dire nulle part, mais pour interroger la fonction, réelle et perçue, de la justice au sein de notre société. Se poser cette question, éminemment politique, c'est faire le constat d'un problème : celui d'une justice qui peine décidément à trouver sa juste place dans la Cité. Délibérée pour ce premier numéro a également donné carte blanche à Jean-Marie Delarue et auditionné librement l'écrivain Ivan Jablonka.